J’attends mon amie à la sortie du métro. Le vent humide et légèrement glacial traverse mes cheveux. Je m’assieds sur un bord de mur et reprends ma lecture. Il s’agit d’un recueil de nouvelles de Le Clézio, mon auteur préféré. Des “faits divers” transformés en récits poétiques et brûlants sur des vies en fuite. Je m’évade tout de suite vers des terres lointaines, dénudées et abandonnées. Le temps de la lecture rallonge ainsi la “vraie” durée de mon attente.
Depuis que je suis arrivée à P., j’ai appris à lire dans n’importe quel endroit et à n’importe quel moment. Souvent, mes temps de lecture correspondaient à mes temps d’attente. Souvent, j’attendais une seule chose. Et souvent, j’attendais devant les entrées du métro. Alors, aujourd’hui, quand j’attends mon amie, je me sens emportée vers un autre espace-temps (au sens anthropologique du terme), et plus spécifiquement, vers la ville que je viens de quitter. J’ai l’impression d’attendre la même chose que j’ai attendue tant de fois là-bas. Désormais, peu importe où je suis, ce sera mon unique objet d’attente. Et je tarde à quitter le livre des yeux, à mettre fin à mon attente, afin de rester dans cet univers où ce sera toujours toi que je voir arriver lorsque je lève la tête.